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samedi 3 mai 2008

Avis d'expert : l'éthanol, le mauvais choix

Lester BownLe "J'accuse" de deux experts américains
Lester Brown (ci-contre), président du Earth Policy Institute, organisation américaine de défense de l'environnement respectée, et Jonathan Lewis, expert du climat à l'organisation Clean Air Task Force, accusent la production d'éthanol des Etats-Unis de dégâts majeurs: hausse des prix alimentaires, famine, déforestation, pollution accrue et -- un comble -- quasiment aucune réduction de la consommation américaine de pétrole. Ils demandent au Congrès américain de revoir les quotas de production d'éthanol tiré du maïs.
La loi sur l'énergie votée par le Congrès américain en décembre dernier prévoit que l'utilisation de l'éthanol atteigne 136 milliards de litres par an d'ici 2022, six fois plus qu'aujourd'hui, et que la production d'éthanol de maïs monte à 56,7 millions de litres.

Mais à l'instar de ces deux experts, alors qu'un quart du maïs américain finit maintenant dans les réservoirs des voitures, de plus en plus de voix aux Etats-Unis condamnent l'éthanol.


" Nous appelons le Congrès à réviser les quotas qui exigent qu'une partie de la production alimentaire soit destinée aux biocarburants. Ces obligations "food-to-fuel" (aliments-vers-carburant) devaient apporter aux Etats-Unis davantage d' indépendance énergétique, et lutter contre le réchauffement climatique.Mais les preuves montrent qu'au contraire, tout cela nuit à l'environnement et provoque une crise alimentaire.

D'abord, produire de l'éthanol requiert une énorme quantité d'énergie, qui vient surtout du charbon, sans oublier les déchets dangereux issus des usines d'éthanol ainsi que les eaux usées, polluantes.

Ensuite, ces quotas "aliments vers carburants" font augmenter le prix des produits alimentaires, avec des dégâts environnementaux considérables. Aux Etats-Unis, les agriculteurs utilisent des terres qui sortent ainsi des réserves naturelles, et menacent les habitats d'espèces fragiles. La hausse de la production fait aussi augmenter l'utilisation d'engrais. La National Academy of Sciences a estimé récemment que si les quotas du Congrès de hausse de la production d'éthanol était réalisés, en 2022 la taille de la zone morte du Golfe du Mexique augmenterait de 10 à 19% -- une zone si polluée qu'aucune forme de vie aquatique n'y survit.

Le plus grave est la hausse des prix alimentaire pousse à la déforestation, notamment en Amazonie, où de larges zones forestières sont éclaircies pour l'agriculture, comme le montre un reportage de Time Magazine. Le résultat est dévastateur. Nous perdons un trésor écologique et des habitats cruciaux pour certaines espèces protégées, et le plus grand "puits de carbone" de la planète. Et quand les forêts sont coupées et la terre labourées pour la culture, le carbone qui était piégé pour les plantes et le sol se trouve libéré.

Un chercheur de Princeton, Tim Searchinger, a modelisé cet impact dans un article dans le magazine Science qui montre que le programme aliments-vers-carburants augmentera les émissions de CO2.

Ce programme en outre ne réduit pas notre dépendance énergétique. l'an dernier les Etats-Unis ont transformé en éthanol environ un quart de leur production de maïs, ce qui n'a réduit que de 1% la consommation de pétrole du pays.

Et la dévolution d'un quart de la production américaine de maïs au carburant fait monter les prix alimentaires mondiaux. Aux Etats-Unis les prix alimentaires augmentent deux fois plus vite que l'inflation, ce qui frappe surtout les plus pauvres. Au niveau mondial les l'ONU et d'autres organisations d'aide alimentaire manquent de produits car le coût de la nourriture dépasse leurs moyens d'aider les 800 millions de personnes qui souffrent de malnutrition. Des émeutes de la faim, parfois meurtrières, se multiplient dans des dizaines de pays, tout récemment en Haïti et en Egypte. Le président de la Banque Mondiale Robert Zoellick a avertit d'une urgence alimentaire mondiale.

La première mesure nécessaire est d'augmenter l'aide alimentaire, mais l'Amérique doit aussi arrêter de contribuer à l'inflation des prix par des quotas qui nous forcent à alimenter nos voitures plutôt que les gens.

La conclusion s'impose : les quotas d'aliments-vers-carburants ont échoué. Le Congrès a pris un gros risque sur les biocarburants, qui n'a pas payé. Tirons-en les leçons et agissons rapidement pour limiter les dégâts et prendre d'autres voies."

Le site du Earth Policy Institute
(Crédit photo : DR)

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