Sans changer de mode de vie, quasiment sans rien payer, des pays comme l’Allemagne, les Etats-Unis et le Royaume-Uni peuvent réduire de 25% leurs émissions carbone en 2020, et même de 70% pour l’Australie, selon le cabinet McKinsey. Coût : 170 milliards de dollars -- 0,4% du PIB mondial -- , dont 28 milliards en Chine, mais qui seront vite auto-remboursés par une moindre consommation d'énergie. A condition de démarrer immédiatement.
La moitié des fonds devront être dépensés dans les industries, un quart dans les logements et un quart dans les transports et le commerce.
Mieux encore, les mesures à prendre seront rentables : il s’agit pour la plupart d’économies d’énergie –meilleure isolation des bâtiments, appareils électriques et machines-outils plus économes, systèmes de chauffage ou d’air conditionnés plus efficaces -- qui allègeront la facture énergétique.
A plus long terme cependant, ces efforts ne suffiront pas. Il faudra aussi des décisions plus coûteuses de lancement de nouvelles technologies, changement de comportements des consommateurs et lutte contre la déforestation.
L’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change) a recommandé de réduire les émissions de carbone de 90%, de 50 milliards de tonnes actuellement à 5 à 10 milliards - voire moins - d’ici 2050, afin de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés centigrades.
McKinsey calcule que si les Etats-Unis ne faisaient rien (scénario « business as usual »), leurs émissions passeraient de 6 milliards de tonnes actuellement à 9 milliards en 2030.
Ils pourraient au contraire réduire leurs émissions annuelles de 3 à 4,5 milliards de tonnes s’ils adoptent systématiquement des mesures qui leur coûteront moins de 50 dollars par tonne : accroître l’efficacité des véhicules, promouvoir des biocarburants de seconde génération, améliorer la gestion des émissions de gaz méthane des mines de charbon, accroître les cultures sous serre en hiver, planter de nouvelles forêts et installer des champs d’éoliennes dans les régions venteuses.
Au Royaume-Uni et en Allemagne, le scénario « business as usual » ne produirait pas une aussi forte augmentation d’émissions qu’aux Etats-Unis, mais ces deux pays pourraient eux aussi réduire considérablement leurs émissions, d’environ 230 millions de tonnes au Royaume-Uni et 290 millions de tonnes en Allemagne, pour un coût d’environ 40 euros par tonne.
L’Australie pourrait elle les réduire de 560 millions de tonnes (contre 800 millions de tonnes en 2030 si le pays ne faisait rien), notamment en remplaçant les centrales thermiques à charbon par des sites qui piègent le dioxyde de carbone.
McKinsey note que bien des mesures d’économies d’énergies (ampoules plus efficaces, isolation, etc.) non seulement réduiraient les émissions de plus de 10% mais « paieraient pour elles mêmes » via une moindre facture énergétique.
Par exemple, les industries allemandes pourraient réduire leurs émissions de 30 millions de tonnes par an en 2020 grâce à des machines-outils et des moteurs plus économes.
Pourquoi donc, si ces techniques sont rentables, consommateurs et entrepreneurs ne les ont-ils pas encore adoptées ? Par manque d’information et inertie, selon le cabinet, manque de produits sur le marché (par exemple, des voitures économes parmi les gammes les plus populaires).
Les consommateurs hésitent aussi devant l’investissement de départ s’il n’est pas amorti dans les deux ans, par exemple les coûts pour isoler une maison. Par manque aussi d’incitations pour les promoteurs immobiliers, par exemple, à isoler davantage que le minimum requis.
Pour aller plus loin que cette réduction des émissions pour 2020, et atteindre les 90% de réduction préconisés d’ici 2050, il faudra frapper bien plus fort, avertit en revanche McKinsey, et cela coûtera bien plus cher.
Par exemple, en Allemagne, réduire la consommation d’énergie d’un logement de 25 litres-équivalent-pétrole par mètre carré à 7 litres est rentable en soi. Mais passer à 2 litres pourrait coûter jusqu’à 700 à 1.000 euros par tonne d’émission carbone réduite.
De même, il est possible d’installer des éoliennes dans des régions moins venteuses, des panneaux solaires dans des zones moins ensoleillées, mais le coût par tonne de CO2 montera à 100 euros.
Subventionner les voitures hybrides, autre choix possible, sera également coûteux, tout comme l’installation de systèmes de piégeage du carbone.
Autre nécessité, arrêter la déforestation, responsable de 10 à 30% des émissions actuelles, les réduirait de 7 milliards par an environ. Il faut réussir à trouver dans les pays tropicaux des réglementations ou incitations adéquates pour l'éviter.
Incitations et régulations devront aussi changer les comportements des consommateurs : les pousser à voyager moins, acheter des voitures plus petites, utiliser davantage les transports en commun débrancher les appareils, etc.
McKinsey plaide aussi pour une forme de taxe-carbone mais souligne les dangers de perte de compétitivité sans système global. Par exemple une taxe carbone de 20 euros par tonne en Europe augmenterait de 15 le prix de l’acier européen, qui ne serait plus compétitif.
La conclusion du cabinet : ces solutions sont faisables, en en bonne partie indolores, pourvu que l’on commence dès maintenant et non pas en 2015.
A noter que cette étude repose sur un prix du baril de pétrole à 50 dollars : le baril dépassant actuellement les 125 dollars, ses chiffres sont faussés. Les mesures d’économies d’énergie seront en fait bien plus rentables, mais le coût des projets additionnels risquent d’être supérieur.
mardi 20 mai 2008
Réduire d’un quart les émissions de CO2 ? Facile, selon McKinsey
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